lundi 19 septembre 2022

Rivières 2 ( Dessoubre )

 

Tu étais là, au bout du jardin, déguisant ton antre en berceau.

Est-ce parce-que le soir était doux, que tes versants abrupts lézardaient pour faire place au soleil, que le soleil choyait tes eaux à ras de terre, que tes eaux jouaient, presque sans rouler, à refléter les grappes roses des andrelles, que le rose des andrelles résonnait du vert profond des rhubarbes, est-ce parce que le soir était doux, je me suis glissée en toi, sans remous, et j'ai nagé dans tes prodiges.

A l'aube, c'est ton silence qui m'a cueillie. L'été se fit décembre. L'onde était de sang noir. Ta bouche démone crachait ses brumes et leur fumée soudait tes rives. 

Alors, j'ai su ton vrai visage.

Dressant le serpent de tes eaux entre les pierres, entre les mousses, tes cheveux en racines et ton manteau de karst. Cabrant le serpent de tes eaux au creux des forêts sombres, hêtraies à aspérule et tilleuls des ravins. De part en part, de lourds sapins voilaient de bleu un reste de lumière. 

Car la nuit est ton jour, tandis que tu tisonnes les baumes cendrées de tes falaises, que plus loin tu recueilles les flots de la Source Noire pour les recracher en cascades, que tout au fond du lit tu traces des routes obscures pour tes poissons d'argent.

Spectrale et verte, sous la voûte des vieux ponts qui chevauchent ta silhouette ruisselante. Nulle barque ne te fend, nul oiseau ne te chante.  

Seule la roue des moulins ose passer les doigts dans ta chevelure d'encre, découdre ta robe de sorcière, drapant tes eaux d'un voile de nacre et de soleil.



dimanche 21 novembre 2021

Des rivières (1)

 

Le Loing, mon bien nommé, car mâle assurément. 

Est-ce le buissonnement de ses rives à la barbe de lierre ? Sa façon de baigner, l'air grave, ses eaux mêlées de boue ? Ou bien, tel un lutteur de foire, de hisser les longues barques brunes accrochées aux pontons, de bander ses muscles liquides pour étreindre les îles ?

Il est l'ouvrier chantonnant aux beaux soirs d'avril tandis qu'en ses berges se dressent les épaves rouillées des usines et là, de grands silos. L'oeil à demi ouvert il veille, à la façon des pères, sur sa nichée de grappes blondes qu'il semence en amont, pénétrant la terre noire, pétrissant ses labours.

Il a pour le canal, qui le suit comme un frère, cette amitié virile. Une poignée de mains forte, un rire en fracas. Compagnons de bamboche chaque fois qu'ils se rejoignent, puis reprennent leur cours, lui rivière, gardant de leurs virées, des verres bus de pluie fraiche, des sinuosités de noceurs tandis que l'autre s'en va droit, sur son tapis d'algues.

Océan de mon enfance, petites mains défaisant l'eau. Le soleil tachetait de jaune étoile ses plages herbues. J'y séchais mes paumes devenues vieilles à vouloir dérider, des heures durant, ses friselis.

Il est mon Gange, ma boussole. Et du levant à sa source ou du couchant à son delta, ses eaux safran creusent un chemin qui me ramène à la maison.

 





samedi 5 juin 2021

Jeux d'école


 

Dans un coin de la cour familière rien ne bouge

pas même

les feuilles du vieux saule

suçotant leur première pluie

 

A cheval sur la soie 

d'un tapis de plumes cendrées

l'enfant construit patient

Un cimetière d'abeilles


dimanche 2 mai 2021

Chemins de bure et d'hiver ( 4 )

 

Haut ciel

Se ferme dans mon dos

Pareil à la herse rejetant le miteux

Et que la triste plaine épie


De ce côté du monde

L'eau même n'est jamais ivre

Comme une mère outrée contraint sous ses mamelles

Le vent des beaux voyages

 

La rumeur de ton pays bleu


samedi 16 janvier 2021

Chemins de bure et d'hiver ( 3 )


Forçats des solitudes, attendant quoi, 

que l'horloge, de son maillet d'encre,

Sonne le repli de l'hiver ?

 

Entre tes mots va le silence

qui cingle en moi très bas

Nos signes ont des lenteurs de brume 

 



samedi 10 octobre 2020

Pâle automne


Il sourd du repli des pâtures,

le vieux soleil endimanché


Octobre lui donne force de cendres


D'un rai jauni il sait encore

repousser la très lente pluie


Mais déjà peine à noircir l'ombre



jeudi 24 septembre 2020

A feu coulant ( 3 )


A l’établi s’exsude la résine 

L’âpre bourgeon du matin 

Silencieux sous l’écorce 

Un sang trop jeune encore 

Pour vivre d’ombres 


Sur ses labours d’automne

Le grain vert nuit à la meule 

Les reins se brisent 

A boulanger l'orge si pauvre


Mais ton regard est là 

Qui se lie à mes prairies

  

                       Problèmes techniques résolus.

                    A feu coulant (4) et autres perles à retrouver sur le site Epistrophe.