Mon oeil distrait à la fenêtre errait dans un ciel sans coton.
Une cigarette au coin des lèvres, encore et toujours à chercher
le mot, le mot juste, celui qui dirait à lui seul toute la rondeur du monde, le sang pulsé de l' amour, les charognards de la rupture, la peur, la quête, la soif, l' espoir, le silence et la vie...
Dans le vert uniforme du jardin à midi, pariaient les arbres sur qui donnerait la première fraicheur, du vieux cerisier arthritique, au jeune tilleul tout gonflé de feuillage. Les fleurs se taisaient pour se faire oublier du soleil. Et moi, penchée, je cherchais le mot...
Sur le chemin qui mène à la maison, une seule tache brune, miraculeuse, et dans la tache, étalé dans son infinie langueur, le chat. Comme dans un théâtre à l' envers, poursuite noire sur fond clair de tout ce qui agonise et résiste à la morsure du feu, toi, mon corniaud des gouttières, sorcier capable de créer l' ombre en plein méridien pour te reposer de ta course... Allongé, étiré, du bout de la patte à l' oreille, afin de ne rien perdre de la fraicheur de cette goutte noire venue d' on ne sait où, on aurait pu te croire mort si ton ventre ne cessait d' aller et venir comme une vague régulière sur un rivage encore vierge.
A te voir ainsi crucifié entre quatre murs invisibles, abandonné au ciel, à la terre, à l' été, il me semblait sentir
le mot cogner à mes flancs comme un enfant sur le point de naître, qu' il n' y avait plus qu' à le cueillir pour le bercer au puits de mes mains jointes.
D' un geste lent, pour ne rien perdre du sortilège, j' ai tapé quelques lettres d' un index malhabile.
Fébrile, j' ai tourné la tête. Dehors, l' ombre avait disparu en emportant le chat... Et sur l' écran, le mot n' était rien d' autre qu' un mot.
Minuscule.