jeudi 4 octobre 2012

Coques ( 3 )

Pas plus haute que trois pommes, une poignée de printemps, je remonte le seau où s' entasse ma pêche miraculeuse, dans une eau trouble de fond de baie. Sifflotant malgré moi, j' ai tout du jeune épagneul, la truffe humide, les chaussettes d' argile et dans l' oeil, la fierté du travail accompli. Comme lui, déposant la bécasse aux pieds de son maître, pour une simple caresse, je laisse le seau devant la porte, attendant, l' air de rien, les oh!, les ah!, les beau boulot, pétard d' oiseau, quelle pêche!
Ainsi flattée, comme il serait grand alors, et noble, de rendre à la mer ses enfants à coques striées. Dans un geste chevaleresque, renverser le contenu du seau de long de cette ligne incertaine où l' eau vient épouser la terre et rire de ces petits navires nacrés et patauds que les vagues viendraient chahuter avant de les rouler sur le sable.
Au fond du seau les bucardes, organes baignés de sang, pieds, reins, coeur et pourquoi pas pensées tendres ou peur farouche de la mort, pressentant l' ombre de mes remords, s' agitent, se pressent, palabrent et se rassemblent, ne formant plus qu' un cri, une longue plainte muette dont je perçois l' écho. C' est une révolution. Toutes sortent un bras vengeur qui balance à la surface de l' eau comme une trompe d' éléphanteau. Toutes sauf une, la plus blanche, qui se tient bien serrée sur elle même, prenant forme de coeur pour faire fléchir le mien, qui pour l' heure, a la souplesse d' un caillou.
Car il faut bien l' avouer, quand la faim vous tenaille, un coquillage n' est rien qu' un coquillage et avec lui, cette promesse d' amertume sucrée. Sur le bout de la langue, l' océan tout entier.
Ce goût de sel et de voyage...

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