mardi 16 septembre 2014

Mémoires ascendantes ( 7 )


Tu es devenu plus dur que le grain de ton nom. Plus sec que les déserts dont nous longions les frontières. Plus froid que les hivers d' ici.
Les heures fondent sur ta peau, comme du plomb et toutes sont pétries de Lise. Chaque ombre dansant au plafond, le café, les tartines, les ruelles de la ville haute, la cour pavée bordée de tilleuls et toutes les roses portent son nom. Les soirs d' été.. Lise, les pluies d' avril si tièdes sur la joue... Lise, la lumière de l' automne.. Lise, la neige chantant sous les pas.. Lise Lise Lise.. Notre Lise, au bout des traits de ton crayon, dans chaque sourire n' éclairant pas ton visage, plus vide qu' un avenir fermé.
Parle, Pierre. Tes mots sont un silence. Vois nos enfants qui s' égayent à tes pieds. Brise la vitre qui t' en sépare, balaie les cendres qui te les rendent opaques. Agace leurs quenottes de louveteaux avides à dévorer la vie. Leurs yeux sont des lunes pleines quand tu ne te repais que de nuit...
Est-il possible que, plus en croix que Jésus, ton cœur n' y soit plus pour personne ?
Il y eut trop de morts, mon amour, pour que nous en vivions à jamais la désolation.

Je vais te quitter, Pierre, quand tout mon corps appelle vers toi.
Je vais partir, quitter le tombeau. Remonter nos enfants à l' air libre, au ciel sucré, aux chants clairs, au goût de pain chaud et de cheveux d' ange. Aux odeurs de jardins ronronnant de rosée...

Je m' en irai demain, des braises plein la mémoire.
Plus forte à t' aimer seule qu' un phare que craindrait la nuit.

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