samedi 27 juin 2015

Secret des berges ( 11 )


Amantes, sous vos fronts
Naissent des paysages
Etoilés d' ifs
Bruissant de lits parmi les herbes
Qu' il suffit d' un silence
Pour semoncer de sang

...

Roulez vos larmes
Sous les ruines des batailles perdues
Et d' un jet de pollen
Enfantez des clartés




mercredi 24 juin 2015

Enfances ( III )


Des mois ainsi à épier, soupeser mentalement, et elle avait acquis un art de la mesure qu' auraient pu lui envier les plus grands couturiers. Du demi centimètre poussé dans la nuit, à l' arrondi d' un galbe naissant sous la transparence d' une chemise, de l' arrogant téton à la brune aréole, rien ne lui échappait.
Rassurée par les quelques filles qui, comme elle, tardaient à offrir leurs corps aux morsures indélébiles de l' adolescence, ce fut par ennui d' abord, un ennui goguenard, qu' elle avait commencé ses observations scrupuleuses. Puis une vague inquiétude avait pris le relais. Et tandis que certaines cachaient encore sous le zip des blousons ces bustes neufs qui restaient un mystère, elle attendait son tour, comme sur un quai de gare on voit partir des trains que l' on ne prendra pas.
Mais à force d' essuyer, dans les vestiaires chlorés, les regards pointus et moqueurs des bimbos de quinze ans, elle finit par comprendre qu' elle en resterait là, avec cette part d' enfance rivée au dessus du nombril, comme une fleur mort-née.

Il est des chagrins sauvages que seuls guérissent les mots d' amour.
Les tendres coups de dents pour panser la blessure, d' un corps se croyant vieux à force d' innocence.




dimanche 14 juin 2015

Secret des berges ( 10 )


Ces voies de berges où l' or s' allume
Dans le soir qui s' échauffe, dis-moi
Qu' elles n' auront pas de fin

Qu' en mes aubes de femme
Claires, aux flancs désanglés
Je serai ta captive

Au creux du lit l' eau neuve
D' un fleuve suspendu

L' ondée née de la vague
Baignant l' astre
Aux salines




lundi 8 juin 2015

Impressions. Paysages minuscules ( 4 )


C' est le silence d' abord que l' on perçoit. Un silence de ruines.
De neige en plein midi.
Le long de la rue principale, sévère et morne, s' alignent des maisons toutes semblables qu' à première vue on croirait cossues. En réalité, une haie coupe en deux parties symétriques des familles qui vivent depuis toujours à l' envers l' une de l' autre.
Des berges du canal, bordées de jardins immobiles, les usines ont des allures de phares émergeant de la brume.
Mais il faut avoir déjà vu la mer pour le dire.
Au bar de l' Hôtel de ville, le zinc poisse un peu des petits blancs secs que des mains incertaines portent jusqu' aux gorges desséchées par les fours. Côté tabac, les billets de loterie font de l' œil. Ici le rêve se gratouille d' un coin d' ongle noirci.
Les cheminées crachent sans trêve une fumée compacte. Le passage piétonnier sature au croisement des trois huit. Première clope pour les uns, dernière pour les autres qu' on écrase sans hâte d' un revers de godasse. On se salue sans effusion. On ne parle même pas du temps. Dedans, c' est toujours l' été. Toute une vie dans le verre.
Des écrans de télé.

Une fenêtre ouverte sur le monde, comme ils disent...